Virus de l’hépatite B en situations particulières : grossesse, immunosuppression, procréation médicale assistée et vie professionnelle – 2022 – Session 1
Orientation(s) prioritaire(s) visée(s) :
Médecin spécialisé en hépato-gastro-entérologie :
83. Prise en charge des hépatopathies chronique
Format de l’action :
- Mixte
Résumé :
La prise en charge des patients atteints d’hépatite B ne se limite pas à la connaissance du bilan préthérapeutique et des agents thérapeutiques disponibles.
En effet, en raison de son caractère transmissible, l’approche thérapeutique comporte également la prévention du risque infectieux lors de la grossesse, de l’accouchement, du post partum, en contexte de PMA. Toujours en raison du risque transmissible, la prévention du soignant au patient fait également l’objet de recommandations.
Enfin, l’immunosuppression induite par les immunosuppresseurs ou les chimiothérapies représentent une situation particulière au cours de laquelle un traitement et/ou une surveillance accrue de l’infection à virus de l’hépatite B peuvent être proposés.
Présentation de la problématique :
La prise en charge diagnostique et thérapeutique de l’hépatite B nécessite pour le praticien une connaissance approfondie des situations particulières justifiant des ajustements de prise en charge par rapport à la situation générale. Il existe d’abord un risque de transmission materno fœtal du virus et donc la connaissance des modalités de dépistage de la mère, du risque évolutif de l’hépatite B aigue ou chronique en cours de grossesse, ainsi que les modalités de prévention de la transmission à l’enfant au moment ou après la naissance doivent être connus. Le traitement de l’hépatite B chez la femme en âge de procréer et les traitements qui peuvent être proposés pendant la grossesse doivent également parfaitement connus. Enfin toujours dans le contexte de la maternité, la procréation médicalement assistée a fait l’objet de recommandations particulières dans cette situation d’hépatite B chronique. En dehors du risque maternofoetal, deux situations sont à risque particulier à savoir le risque de réactivation virale B sous immunosuppresseurs et chimiothérapie et le risque de transmission en milieu professionnel. Pour le risque lié à l’immunosuppression, il est nécessaire de connaitre les modalités de prise en charge (diagnostic, traitement et surveillance en fonction du profil sérologique en raison du risque de réactivation virale). Pour l’exposition au risque de transmission professionnel, Il existe un risque de transmission de l’hépatite B par des travailleurs de la santé lors de la pratique ou de l’étude de la chirurgie, dentisterie, médecine ou domaines paramédicaux. L’infection par le VHB à elle seule ne doit pas conditionner la poursuite de l’activité des professionnels infectés de ces activités professionnelles et les travailleurs de la santé effectuant des procédures sujettes à l’exposition avec de l’ADN sérique du VHB peuvent être traités pour réduire le risque de transmission.
L’OMS estime que 296 millions de personnes vivaient avec une infection chronique par l’hépatite B en 2019, avec 1,5 million de nouvelles infections chaque année (1). La prise en charge de l’hépatite chronique B est complexe et prend en compte de nombreux paramètres tels que le degré de fibrose, le niveau de réplication virale. Certaines situations cliniques particulières nécessitent une prise en charge spécifique détaillée ci-dessous.
Hépatite B chez la femme en âge de procréer
Les données nationales montrent un dépistage plus fréquent chez les femmes (67% des dépistages en 2015) et notamment celles en âge de procréer (2). C’est dans la classe d’âge des 20-29 ans que les femmes (36,7%) diagnostiquées positives sont les plus nombreuses (3). Cette fréquence élevée s’explique par le dépistage obligatoire de l’AgHBs au premier trimestre de la grossesse dans tous les pays ayant accès au dépistage. En France, ce dépistage est obligatoire depuis 1980 de même que le dépistage du VIH. Le rapport Dhumeaux de 2014 préconise par ailleurs d’y associer le dépistage de l’hépatite C (4). La transmission maternofoetale dite transmission verticale est le mode de contamination le plus fréquent, notamment en Asie et en Afrique. La contamination se fait au moment de l’accouchement à l’occasion de microtransfusions materno fœtales au cours du travail et par l’intermédiaire des sécrétions vaginales durant le passage dans la filière génitale.
L’hépatite B n’est pas un facteur de stérilité chez la femme ou chez l’homme et n’expose pas à un risque d’accouchement prématuré. Il n’a pas été démontré de risque augmenté de malformation fœtale chez les enfants nés de mère infectée par le VHB.
La découverte d’un AgHBs positif chez une femme enceinte implique la réalisation d’un dépistage intra-familial (conjoint, autres enfants ou personnes au domicile). La sérologie Delta doit également être réalisée. La quantification de la charge virale du VHB doit être réalisée et contrôlée au 6eme mois de grossesse. Il est habituel de constater une augmentation d’au moins 1 Log 10 de la charge virale au 6 eme mois. Les facteurs associés à la contamination de l’enfant sont la présence de l’Ag HBe et une réplication virale élevée, supérieure à 7 LogUI/ml, constamment associée. Ainsi, le résultat de la charge virale du 6eme mois va conditionner la prise en charge thérapeutique de la mère pour le dernier trimestre. Si la charge virale est supérieure à 200 000 UI/ml, ou si le taux d’AgHBs est supérieur à 4 log10 IU/ml, un traitement antiviral doit être instauré. Le traitement recommandé est le ténofovir, classé B dans les données du CRAT ; l’entécavir classé C n’étant pas recommandé au cours de la grossesse. Le traitement va permettre de faire baisser de façon significative la charge virale maternelle, et diminuer le taux de contamination malgré la vaccination de 15% à 0% (5).
Le mode d’accouchement n’est pas un facteur de risque de contamination et la césarienne n’est pas systématique. Le traitement maternel est habituellement poursuivi pendant au moins 12 semaines après l’accouchement. L’allaitement est autorisé du fait du faible passage du médicament actif dans le lait maternel. L’arrêt du traitement maternel sera fonction du statut hépatique de la mère et de l’évaluation de la fibrose en post-partum : les critères de traitement étant ceux des hépatites chroniques liées au VHB.
S’agissant de l’enfant, la vaccination doit être pratiquée impérativement à la naissance, selon un schéma en trois injections (une dose à la naissance, puis à 1 et 6 mois) avec le vaccin HBVAXPRO 5μg® ou le vaccin ENGERIX® B10 μg; la première dose étant associée à l’administration d’immunoglobulines anti-HBs. Un schéma à quatre doses (une dose à la naissance, puis à 1,2 et 6 mois) est recommandé pour les prématurés de moins de 32 semaines et/ou de poids inférieur à 2 kg. Un contrôle sérologique à la recherche de l’Ag HBs et un titrage des anticorps anti-HBs, est préconisé à partir de l’âge de 9 mois.
Lorsque l’AgHBs est découvert chez une jeune femme en âge de procréer, la prescription du traitement sera réalisée selon les recommandations habituelles de l’EASL, principalement en fonction du stade de fibrose, du taux d’ADN viral B. Si le stade de fibrose n’est pas sévère et qu’il existe un projet immédiat de grossesse avec un taux d’ADN du VHB < 200 000 UI/ml, le traitement pourra être décalé en post partum. S’il existe une indication forte de traitement, celui ci pourra être débuté avant la grossesse. La molécule utilisée sera alors le ténofovir. Si la grossesse survient chez une patiente déjà traitée, le traitement par ténofovir pourra être poursuivi. En cas de traitement par Entécavir, un switch sera effectué pour le ténofovir.
En cas de cirrhose virale B et grossesse, le problème majeur sera la majoration de l’hypertension portale. Il faudra donc éradiquer les varices oesophagiennes au mieux avant la grossesse ou avant le sixième mois. Le risque de décompensation de la cirrhose sur le mode ascitique est plus rare mais dépend du degré d’insuffisance hépatique de la mère. Dans ce cas, la césarienne est à éviter (risque de fuite d’ascite, d’infection et d’hémorragie).
Procréation médicale assistée et hépatite B
L’infection par le VHB ne diminue pas la fertilité féminine ou masculine. Néanmoins, la découverte d’un AgHBs positif chez un des partenaires d’un couple consultant pour une procréation médicale assistée oblige à une prise en charge dans un laboratoire dit « à risque viral ». Le laboratoire doit être agréé pour cette activité spécifique avec un circuit séparé pour le recueil et le traitement des gamètes. Cette procédure vise à éviter toute contamination virale des boites de culture d’embryons des autres couples indemnes de ces pathologies et de garantir la sécurité sanitaire du personnel manipulant les gamètes et les embryons. Cette procédure doit être mise en place pour la prise en charge en Insémination Intra Utérine (IIU) ou en Fécondation In Vitro sans micro injection (FIV) ou en Fécondation In Vitro avec micro injection (ICSI).
Les femmes enceintes infectées par le VHB chez qui il est nécessaire de réaliser un geste invasif pour un test génétique doivent être informées de la possibilité de transmission materno-fœtale du VHB. Ce risque de transmission augmente en fonction de la charge virale du VHB. Un taux > 7 log 10 UI/mL entraîne un risque de transmission plus élevé. De même, ce risque est très faible pour une amniocentèse et augmente en fonction du niveau d’invasivité de la procédure, plus important s’il s’agit d’une biopsie de trophoblaste. Il n’existe pas de recommandations de traitement précises dans ce cas (6).
Réactivation virale B et immunosuppresseurs
Il existe un risque important de réactivation virale B chez des patients recevant un traitement immunosuppresseur. L’incidence de la réactivation est mal connue. La réactivation virale B peut aller de l’élévation mineure des transaminases à l’hépatite fulminante. La réactivation virale B peut survenir pendant le traitement immunosuppresseur ou dans les mois qui suivent son arrêt. La réactivation virale B se définit par une élévation de la charge virale B suivie par l’élévation des transaminases.
La chimiothérapie des cancers hématologiques a été le premier traitement incriminé. Néanmoins, les chimiothérapies des cancers solides sont également responsables de réactivation virale. Ceci implique le dépistage systématique de l’AgHBS et de l’Ac anti HBc chez tout patient devant être traité par chimiothérapie. Quelques cas de réctivation virale ont également été rapportés après une radiothérapie extensive.
Les traitements immuno-suppresseurs hors cancérologie sont également responsables de réactivation virale. On peut citer les biothérapies utilisées en MICI, en rhumatologie ou en dermatologie. C’est pourquoi le dépistage du VHB doit faire partie du bilan préthérapeutique des biothérapies. Une vaccination contre le VHB doit être réalisée lorsque les marqueurs du virus B sont négatifs (5).
Les corticostéroides administrés à une dose supérieure à 40 mg, même pour une durée inférieure à une semaine, peuvent également induire une réactivation. Il est donc primordial d’informer le patient des risques encourus en cas de prise de corticoides (7).
Un traitement préemptif par analogues nucléosidique ou nucléotidique doit être instauré avant le début des traitements immunosuppresseurs chez tout patient détecté AgHBs positif ou ayant une charge virale positive.
En cas de positivité de l’Ac anti HBc de façon isolée, une recherche de l’ADN du VHB doit être réalisée, et un traitement devra être instauré en cas de positivité (hépatite B occulte).
Le traitement préemptif sera poursuivi durant toute la durée du traitement et 12 mois après l’arrêt de celui-ci.
Il existe un groupe à haut risque estimé >10% de réactivation virale B. Il s’agit des patients recevant du rituximab (anti CD20) seul ou associé à une corticothérapie, ou des patients recevant une greffe de moelle. Un traitement préemptif doit alors être débuté chez tout patient ayant un marqueur sérologique viral B positif (AgHbs, Ac anti HBc). Dans ce cas, le traitement sera poursuivi au moins 18 mois après l’arrêt des immunosuppresseurs. Une surveillance trimestrielle des transaminases et de la charge virale B est recommandée ainsi qu’une surveillance de la tolérance des analogues nucléotidiques (phophorémie, créatininémie, recherche de protéinurie) (5).
Hépatite B et vie professionnelle
La problématique de l’hépatite B et du milieu professionnel est double : d’une part protéger le travailleur d’une contamination professionnelle, ce qui entraîne une obligation vaccinale pour des professions à risque bien définies, et d’autre part d’éviter la contamination d’un tiers par le travailleur. L’obligation vaccinale des étudiants des professions de santé se justifie donc pour protéger les futurs soignants, en raison des contacts possibles avec des patients susceptibles d’être porteurs du virus, en particulier dans les établissements de santé, mais également pour protéger les patients d’une contamination soignant-soigné.
La liste des professions à risque de transmission virale B est publiée dans l’arrêté du 6 mars 2007. Il s’agit des professions médicales et pharmaceutiques : médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme et pharmacien; autres professions de santé : aide-soignant, ambulancier, auxiliaire de puériculture, infirmier, infirmier spécialisé, manipulateur d’électroradiologie médicale, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, technicien en analyses biomédicales. Néanmoins, tout personnel exposé au risque et n’entrant pas dans le champ de l’obligation vaccinale peut se voir recommander une vaccination via le décret no 2008-244 du 7 mars 2008 modifiant le code du travail.
L’article L. 3111-4 du CSP, qui prescrit les obligations vaccinales des professionnels de santé, a donné lieu à trois arrêtés d’application:
- l’arrêté du 15 mars 1991 fixant la liste des établissements ou organismes publics ou privés de prévention ou de soins dans lesquels le personnel exposé doit être vacciné, modifié par l’arrêté du 29 mars 2005 (intégration des services d’incendie et de secours à cette liste).
- l’arrêté du 6 mars 2007 relatif à la liste des élèves et étudiants des professions médicales et pharmaceutiques et des autres professions de santé pris en application de l’article L.3111-4 du CSP, toujours en vigueur.
- l’arrêté du 6 mars 2007 fixant les conditions d’immunisation des personnes visées à l’article L.3111-4 du CSP, abrogé par l’arrêté du 2 août 2013. Celui ci stipule que « les élèves ou étudiants dans les filières précitées sont soumis aux obligations d’immunisation contre le VHB. Au moment de leur inscription dans un établissement d’enseignement et, au plus tard, avant de commencer leurs stages dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, ils apportent la preuve qu’ils satisfont aux obligations d’immunisation. À défaut, ils ne peuvent effectuer leurs stages (8).
Ce même arrêté stipule que les élèves ou étudiants considérés comme non répondeurs à la vaccination peuvent cependant être admis mais dans ce cas, ils sont soumis à une surveillance au moins annuelle des marqueurs sériques du virus de l’hépatite B.
Théoriquement, les personnes porteuses de l’AgHBs et/ou ayant une charge virale détectable ne remplissent pas les conditions d’immunisation et ne peuvent donc pas s’inscrire et accéder à la formation aux professions listées dans l’arrêté du 6 mars 2007. Néanmoins, en pratique, les personnes infectées chroniques par le VHB ne devraient pas se voir interdire a priori la formation aux études médicales, dentaires, maïeutiques, ou IBODE mais l’évaluation du risque de transmission soignant-soigné doit avoir lieu le plus précocement possible pendant les études, et avant le début des stages cliniques. Pour les IBODE, l’évaluation doit se faire avant l’entrée dans la formation. Cette évaluation du risque de transmission soignant-soigné inclue le type d’acte pratiqué dans la profession visée par l’étudiant, le type d’exercice, les possibilités de traitement de la maladie et le respect du traitement.
Cette évaluation est confiée en première instance au médecin du travail ou au médecin de prévention, qui peut s’appuyer sur l’avis d’hépatologues, d’infectiologues ou d’hygiénistes.
Dans le cas ou l’hépatite B est découverte au cours du cursus d’un étudiant ou chez un professionnel en poste, seul est à prendre en compte le risque de transmission soignant-soigné. Celui-ci dépend du type d’acte de soins réalisé, du respect des précautions standard d’hygiène et de la charge virale plasmatique chez le soignant infecté. Les soins invasifs à haut risque d’exposition au sang, rencontrés dans certaines procédures chirurgicales ou obstétricales, présentent un risque de transmission soignant-soigné. Cela concerne les médecins, chirurgiens, chirurgiens-dentistes, IBODE ou sage-femmes. Dans le cas d’un soignant infecté avec une charge virale indétectable, il n’y a aucune justification à proposer une quelconque limitation d’activité, même en cas de soins invasifs à haut risque d’exposition au sang et à condition d’instaurer une surveillance régulière de la charge virale pour s’assurer de la permanence de son caractère indétectable.
Enfin, selon les recommandations de l’EASL, les travailleurs en santé qui effectuent des procédures à risques et dont l’ADN sérique du VHB est supérieur à 200 UI/ml peuvent être traités en dehors de toute indication hépatologique avec des analogues nucléosidiques ou nucléotidiques afin de réduire le risque de transmission (5).
Pour les situations complexes, l’ARS peut être sollicitée par la personne elle-même, par le médecin du travail ou de prévention ou par le médecin traitant pour statuer sur les possibilités de poursuite des études ou de l’exercice professionnel ou sur une éventuelle réorientation. L’ARS peut, pour rendre sa décision, s’aider d’un avis d’experts en réunissant une commission régionale ad hoc. Cette commission pourra inclure des experts de différentes spécialités (virologie, pathologie infectieuse, hépatologie, hygiène, santé publique, médecine du travail) ainsi que des pairs du professionnel et rendre un avis en veillant à respecter les règles de confidentialité et d’anonymat.
Une contre-indication à la vaccination contre l’hépatite B correspond de fait à une inaptitude à une orientation vers les professions médicales, pharmaceutiques ou paramédicales sauf s’il s’agit d’un poste exclusivement administratif.
Objectifs pédagogiques globaux :
- Savoir prévenir la transmission materno fœtale du virus B
- Connaître les modalités thérapeutiques du VHB chez la femme en âge de procréer et lors d’une grossesse
- Connaître le risque de réactivation virale B sous immunosuppresseurs et ses modalités de prise en charge (traitement et surveillance)
- Connaître les recommandations en cas de procréation médicalement assistée
- Connaître les professions à risque de transmission virale B, la réglementation et les indications de traitements ainsi que la surveillance
Il s’agit d’un programme intégré comprenant une séquence d’EPP avant et après la séquence de formation continue suivie lors du congrès (EPP/FMC/EPP).